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28 juin 2011 2 28 /06 /juin /2011 20:06

 

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(Photo : Michel Armandy)

 

PARTIE 1

Nice. 6h30 du matin sur la plage du centenaire. La température est déjà douce et la tension est palpable. La sono bave de la techno sur la voix déjà éraillée du speaker, aux faux airs de David Guetta. Quelques nageurs se renseignent encore auprès des arbitres sur le parcours a emprunter, tout en zippant leur tenue et réajustant leurs lunettes. Je n'ai aucune conviction avant de rentrer dans l'eau. Mes pensées sont ailleurs, tournées vers mon expérience décevante de 2008, où j'avais souffert de la chaleur sur le marathon. J'angoisse aussi à l'idée de ne pouvoir courir, à cause de ma fracture de fatigue au bassin. Je demande à une journaliste, qui passe devant la rubalise de départ, de me rincer les lunettes, déjà pleine de buée. Un frémissement dans la meute. C'est le départ !

2600 triathlètes, femmes, hommes, pros et amateurs se jettent à la mer en défiant les premières petites vagues. L'eau est bonne. Mais soudain, un coup vient heurter mes lunettes ! Un deuxième m'oblige à me redresser pour chercher l'air, quand un troisième m'empêche d'allonger mon bras pour accélérer. C'est la baston générale ! Je monte sur des nageurs, qui me remontent dessus. Je pars à droite, ça vient de gauche. Bref, je suis dans la course. A cet instant, c'est ICI et MAINTENANT que ça se passe. Et pour le moment, ça se passe pas très bien !!!

La vue de la première bouée à l'horizon me rassure sur le chemin à suivre. Je me calme et reprends mes marques, en nageant comme au lac, en deux temps. J'allonge bien devant et finis loin derrière, en tâchant d'accélérer ma fin de geste sous l'eau. Je retrouve le rythme, qui ne me quittera plus jusqu'à la sortie à l'australienne, 2.4 Km plus loin. Là, retour chez les verticaux. Une foule hallucinante se tient sur la plage, pour encourager les triathlètes et supporter leurs favoris. Les miens sont là, donnant sûrement de la voix ! Je regarde brièvement mon chrono, et replonge pour un dernier petit tour (1.4 Km). Nous ne sommes plus beaucoup dans les paquets, et désormais il est plus facile de choisir sa trajectoire. Au fond de l'eau, quelques bonnets bleus flottent, abandonnés. C'est joli. Je suis bien, et j'apprécie cette douce parenthèse. Puis rebelotte ! Ca bastonne à nouveau !!! Un groupe de furieux, mené par un nageur sans combi (!!!) me frolent, me secoue, m'irrite. La fin de la 1ère partie de course approche. Il est temps de s'échouer. Il est urgent de courir se changer ! Petit regard rapide sur le chrono géant: 1h.

 

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(Photo : Michel Armandy)

 

PARTIE 2

Direction le parc à vélo, après un passage pas très éclair en zone de transition, pour récupérer mon casque, le ravitaillement et mon haut de cycliste aux couleurs du Triathlon Club Montalbanais ! Mes supporters sont là et hurlent mon prénom ! Moi, dans ma bulle, je ne les entends quasiment pas. Je suis dans un état second. Concentré. Déterminé. L'extérieur n'a plus d'emprise sur mon intérieur. Je lévite et nirvanise au son sourd des battements de mon coeur ! Et là, je file dare-dare, allongé sur le prolongateur. Passe les vitesses, et m'envole sur les premiers kilomètres, très roulants, du parcours. L'objectif : rallier les Condamines (jolie petite pente de 12% sur 500m) en moins de 35'. L'oeil fixé sur ma feuille de route, collée sur le cintre, je vois mes étapes défilées dans les temps. Je me sens toujours habité par une espèce de transe. Voici, Vence, puis Tourettes, le Pont du Loup. Rien ne vient me perturber. Pas même les motos des arbitres, qui vérifient bien qu'aucun drafting ne se crée sur le parcours. Toujours, absorbé par ma course, je n'entends plus rien. Gourdon est en point de mire. J'avale la pente et me dirrige tambours battants vers Gréolières. Putain, c'est quand même bizarre, cet état de transe !? Même les gonzes qui roulent autour de moi ne font pratiquement pas de bruit !??? AH, MAIS QUEL CON !!!! Je suis pas en train de me "yodiser" du tout !!! J'ai juste oublié de retirer mes BOUCHONS DE NATATION !!!!! Pfff... mais quel teubé !!!!

Etrangement, une fois les bouchons retirés, la course me parait plus dure. Je couine de la chaîne. Mon souffle me parait un tantinet plus court. J'escalade tant bien que mal St Pons en moulinant. Je bois. Je m'alimente. L'ennui commence à me guetter. Mais qu'est-ce que je fiche ici ? Ca va bientôt faire 5h que je m'agite, et les premières pensées négatives arrivent. Et si, je ne pouvais pas enchainer avec la course à pied ? Ca fait bien 3 semaines que je n'ai pas tenter le moindre petit footing... HOP-OPOP ! Respire, reconcentre-toi ! Coursegoules n'est pas loin, et après ça descend !!!! Cette année, j'ai pas mal progressé en vélo ; il faut que je le matérialise ici ! Je reprends une position plus aéro sur le vélo, et entame les premiers virages de descentes, sans prendre le moindre risque. Je suis toujours dans les temps estimés, pour finir le bike en 5h30. Carros, Gattières puis St Laurent du Var ! Nice est à portée... Je longe le bord de mer, où les premiers cadors attaquent déjà la partie pédestre. Petite crampe, et je déscratche mes shoes. L'arbitre m'indique la zone, où l'on doit mettre le pied à terre. Qu'est-ce que je fais ? Je marche ou je trottine, pour voir où j'en suis ? Là, Michel hurle mon prénom !!!! Putain, je COURS !!! Petit regard sur le chrono : 5h25 de vélo, 6h32 de course. Je tente !!!

 

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(Photo: Michel Armandy)

 

PARTIE 3

  Ne pas partir trop vite. Rester prudent. Et beaucoup boire et s'arroser !

Voilà mes leitmotivs sur ces 42 Km de bitume brûlant. La même chaleur que lors de l'édition 2008. Je dois rester concentré et me fixer un rituel de course (allure / hydratation / gels) semblable à celui de mes entrainements longs sur tapis de course. Je commence à croire que ça peut passer, d'autant que pour le moment, la douleur à la fesse me laisse tranquille. Pas d'euphorie non plus, le chemin est encore très long. J'aperçois Michel, sur le bord de la route, muni d'une panoplie de photographe-reporter. Il m'encourage. Me demande comment je vais. Un signe positif de la main, avec un petit sourire ultra-bright suffisent. Je m'économise et "superstionne" aussi un peu. C'est pas le moment de briser cet équilibre (précaire). Les premiers 15 Km se passent comme sur le papier, oscillant entre 12.5 et 13 de moyenne. La chaleur devient étouffante, mais j'apprécie mes passages ultra-réglés aux ravitaillements : les premiers gobelets d'eau pour me rincer la bouche, le coca pour m'hydrater, encore de l'eau pour me mouiller les cheveux sous ma casquette, et enfin les douches pour descendre la température du corps. Je casse pas la barraque, mais j'avance assurément. 2008 est en train de battre en retraite. Je fais vite mes petits calculs d'épicier, pour voir combien de temps il me reste pour approcher le mur symbolique des 10h. Les calculs m'aident à tenir, d'autant que maintenant les muscles se raidissent, les douleurs apparaissent, et une légère pointe se dessine dans mon fessier droit. L'autre, voilà qu'elle se réveille ! La garce ! Mon rythme baisse un tantinet, mais j'en garde sous la semelle, pour les 5 derniers kilomètres.

J'arrive au dernier tour. Ca fait un moment que je ne vois plus les miens. Je vais remonter une dernière fois vers l'aéroport, puis il me faudra doucement accélérer pour finir, je l'espère, en 10h05. Je cours sur ma ligne blanche, le long du trottoir, écartant d'un appel, tout collègue qui aurait la même idée. Ceci me garde concentré, et "emprisonne" mentalement ma douleur de plus en plus précise dans la fesse. Le petit espace de verdure en bout du chemin apparait, avec son énorme chrono. 9h35 !!! Punaise, c'est jouable !!! Comme toujours dans ces moments d'extase, un coup de pouce du destin survient. En l'occurence, un triathlète, sur son dernier tour, qui accélère la cadence et se fraye un chemin dans ce bouchon humain. J'emboîte. Je ne me pose pas la question si je vais pouvoir suivre. Je suis. Le ravitaillement qui vient, fait "sauter" mon lièvre, perturbé par un gobelet raté. Je poursuis. Re-coup de pouce du destin, décidément trop sympa en cette fin de course : Michel apparait à 4 Km de l'arrivée. Et ce Michel-là est en mode killer ! Il HURLE, court, zigzague, conseille, encourage... Mon coach se mute en supporter, et m'emporte avec lui. "3'30 !!!", m'assène-t-il ! "Tu relèves la tête, et tu fonces pendant 3'30 !!! Tu la vois, l'ARRIVEE, là-bas ?! " Il est fort, ce Michel. Il me transcende. Je ne m'écoute plus, et n'écoute que ces hurlements. J'évite le dernier ravitaillement, et fonce comme un désarticulé vers le tapis bleu.

"Oui, il peut le faire !!! Passer sous les 10 h !!! Encouragez Gérald !!! ALLEZ GERALD !!!" Soit Michel a pris le micro du speaker, soit il y a quelque chose qui se passe. J'en reviens pas. Le chrono final, sous le porche, me parait bloqué sur 9h59'00" ! J'ai pas la berlue. Je peux passer sous les 10h à NICE !!! Je sens la foule. Je sens mon coeur, prêt à exploser. Je GUEULE à mon tour, car le chrono s'est mis à accélérer son compte à rebours... 59'50"... 53"... 56"... ARRRRRRRRRRGGGGG ! Tom Sawyer est en moi. Mes bras, mes jambes partent dans tous les sens. Je bave. Je pleure. Je crie. Je ne touche plus sol.

 

 

 

Nice 2008 n'est plus qu'un mauvais souvenir. Aujourd'hui, un truc spécial s'est produit. Un mur est tombé. Une conviction est née. Une envie de partager ma joie avec ma louloute prend place. La suite ? Quelques 7h passées à l'hôpital, pour une déshydratation sévère, sous le regard amusé et étonné de mes supporters. Je suis crevé. Fatigué. Rincé. Mais HEUREUX.


Ironman Nice 2011 copie


Merci à Michel ARMANDY (Poussman), pour son suivi et son expertise, tout au long de la prépa qu'il m'a concocté. Merci à Laurent JALABERT, pour ses précieux conseils et ses sorties vélo endiablées. Merci à Daniel BORY, pour son fighting-spirit (la douleur, c'est la faiblesse, qui quitte le corps). Merci à Patrick VIGNEUX, Ludovic FERNANDEZ, le Dr BISTOUR pour leurs soins et attention. Merci à Simon HOGEDE, pour sa gentillesse, et sans qui les entrainements au lac serait impossibles. Merci à tous les potes du club, qui m'ont encouragé et soutenu dans la blessure. Merci à mon nouveau fan club, au nombre de 4 (c'est un début comme un autre !): Pauline, Sandrine, Valentin et Rémi. Une grosse PENSEE à mes deux petits loulous, qui m'ont donné de la force dans les moments durs, et à l'arrivée.

Et enfin, un big MERCI à ma douce, qui m'a supporté au sens propre et figuré, pendant ces 24 semaines: Emelyne.

 

 

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commentaires

P
<br /> Re Gégé..<br /> <br /> Après mon email, un petit mot sur ton blog..félicitation et belles pensées pour tes proches.<br /> <br /> <br /> A bientôt sur les routes<br /> <br /> Pat<br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Merci Pat !!! A très vite.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> impressionnant, respect !!!!<br /> tu as un nouveau adhérent dans ton fan club !<br /> bon repos bien mérité !<br /> <br /> bruno<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> Merci Bruno, on se voit rapidement sur le vélo !!!<br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> Excellent !!!<br /> <br /> <br />
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N
<br /> putain tu l'as fait!!!!!!!!! Tu peux etre fiere de toa l'ami!!!! genial ce recit vraiment formidaple!! c geant!!! maintenant repos et farniente aupres des tiens ki ton soutenu tout le long!!! merci<br /> pour tous ces petits episodes!!une de tes fans!!! ninette ki va juste faire la course de sa montagne sacrée cet été!! le canigou!!<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Bravo Gerald pour ton parcours !!!<br /> Ou puises tu toute cette energie physique et mentale ? Ca du etre un travail de longue haleine, Tes enfants et Ta douce Emelyne sont certainement tres fiers de toi. Gros bisous a vous 4. Bonne<br /> continuation.<br /> <br /> <br />
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2007 : 13h39 / 151ème

 

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2011 : 9h59 / 85ème

 

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  2011 : 4h24 / 59ème (5ème M35)

 

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